J’ai besoin d’un guide

J’ai besoin d’un guide

A quatorze ans, je trouvais mon père tellement ignorant que j’avais peine à le souffrir ; mais à l’âge de vingt et un ans, je fus étonnée de constater tout ce qu’il avait appris dans l’espace de sept ans.

Il est vrai qu’il essayait de m’expliquer que les croyances ne pouvaient se former que lorsque nous sommes introduits à une information ou suggestion et, des fois, à des découvertes et, qu’en fait, toutes nos croyances proviennent de ces précédents déclencheurs.

Il essayait de m’expliquer aussi que je devrais, en avançant dans la vie, vérifier toutes les raisons qui supportaient mes croyances. Car, il disait : chaque croyance doit avoir des raisons pour la supporter et ces dernières doivent être logiques, scientifiques, raisonnables ; elles ne doivent en aucun cas être subjectives. Autrement, me disait-il, ce ne sont que des illusions.

Comment savoir ? Dois-je apporter des preuves pour toutes les croyances que je porte ? Non, me disait-il. Par contre, si on apporte des preuves contre une ou plusieurs de tes croyances, tu devrais y renoncer. Autrement, tu te mentirais à toi-même.

Les croyances peuvent ne pas avoir de preuves mais doivent toutes, et sans exception, avoir des raisons pour les supporter.

La vérité existe. Les uns croient qu’Amstrong a marché sur la Lune pendant que d’autres croient que cela ne s’est jamais passé. La vérité est : Amstrong a marché sur la Lune ou Amstrong n’a pas marché sur la Lune.

Les uns disent que la Terre est ronde et les autres disent qu’elle est plutôt plate. La vérité se trouve avec les uns OU avec les autres.

Le principe, donc, est clair et il m’a fallu attendre vingt et un ans pour commencer à comprendre de quoi me parlait mon père. Je ne suis toujours pas sûre. La chose dont je suis sûre est que le savoir est chez les autres quand on est prêt à le cueillir.

La profondeur du savoir, personne ne l’a atteinte. Et sa surface est comme celle des océans. Une vague est vraie et une autre est fausse. Comment distinguer la bonne de la mauvaise ? Mais si on accepte de descendre en profondeur, on découvre un monde qui nous fait oublier la surface et les étincelles de la lumière du soleil qui frappe les gouttes projetées par la puissance des vagues.

Dans ce monde où nous baignons, nous nous sommes quelque part convaincus que le passé et le vieux n’ont plus rien à nous apporter et nous attendons tout du futur qui n’est pas arrivé. Au point que nous avons oublié d’entretenir le radeau, la barque, le pédalo, le voilier, le hors-bord, le jetski dans lesquels nous sommes assis, chacun dans notre coin, sur la surface de cet océan enragé et nous nous sommes tus, tellement nous avons été convaincus que cela ne sert plus à appeler autrui : au secours, je suis perdu !

Depuis que j’ai compris, je me suis dit : maintenant tu sais que tu as besoin d’un guide, mais le guide ne s’est point présenté. Dois-je me laisser entraîner par les vagues jusqu’à ce que je me retrouve dans un marais ou la tête contre un rocher ? Je ne suis même pas sûre si je suis au milieu de l’océan ou si je suis encore près d’un rivage inconnu.

C’est sûr, je me suis réveillée de mon sommeil profond et me voilà assise dans ce radeau. Je ne me rappelle même pas si c’est moi qui l’ai confectionné, ni pourquoi je suis ici. Ma mémoire fléchit aussi. Je ne suis pas sûre. C’est à peine si je lui fais confiance. Il paraît que j’ai essayé de m’en sortir mais l’état dans lequel je me trouvais imposait des impôts sur ma sueur et ma paye devait passer à travers des gens qu’on appelaient banquiers, qui prenaient un pourcentage quand j’étais payée et à chaque fois que j’achetais de quoi continuer à travailler.

Je ne sais pas si c’était vrai mais ma pauvre mémoire fatiguée me dit que c’était tellement incroyable que moi-même je n’y croyais pas.

J’ai vécu l’incroyable mais, comme c’était accepté, j’ai continué à faire ce qui m’était demandé et maintenant je suis là. J’ai besoin d’un guide. Car, j’ai essayé de naviguer sur la surface agitée et cela m’a tellement occupée que je n’ai pas eu le temps de descendre en profondeur pour cueillir le savoir qui aurait pu me sauver.

J’ai besoin d’un guide. Alors, comment faire ?

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